« La grande veronica » – Oliver Scharpf

1.

quand plus rien de rien ne t’importe
voilà que tu peux au moins te tourner en veronica
frapper ainsi à l’aventure comme si ça ne devait jamais finir

et alors que ce soit un mouvement au nom de cette femme à outrance

depuis le début de cette trajectoire courageuse de voile un vendredi,
soudain prête pour toujours au sang de la passion,
jusqu’à la veronica réussie aujourd’hui par miracle au tennis de castagnola

un coup tennistique marginal en forme de poème all night long
ou de plan séquence de fou au ralenti à travers tout ce temps
depuis ce voile devenu visage, puis lumineux extrême envol du tennis,
en passant par le pas parfait des toreros morts précédemment un peu
pour ne plus jamais avoir peur face à la gloire ou à la fin glorieuse

un geste infini à gogo

2.

parce que dos au mur la seule chose c’est se tourner pour toujours en veronica
mourir en plein vol d’un seul coup pour sourire dans le soleil toute une vie
c’est un all-in de l’âme, tout en une nuit, pour ne plus jamais mourir

c’est détacher les oreilles de chocolat aux lapins de pâques
c’est la minute trente environ de classique silence qu’il y a d’habitude
après le final de la neuvième de mahler avant les applaudissements
c’est quand inattendue éclate la brève saison de l’été indien
c’est le moment du manteau de saintmartin partagé avec une épée
c’est l’atome en moins des jours où tu ne veux jamais rentrer à la maison
c’est le vol d’ange de kurt cobain sur le public
c’est hemingway qui écrit debout à la havane

c’est la structure moléculaire d’un whiterussian devant la cheminée

c’est le dessin d’une heure de trajets des goélands sur les rochers d’étretat
c’est le dodécaèdre improbable de nos itinéraires au cours de toutes ces années
gravé dans une poignée de grandes villes genre paris rome milan etcetera
c’est la constellation soignée de chaque signal de sourire de toutes les passantes
croisées depuis 1993 environ jusqu’au début de cet automne
c’est tout le temps du monde retrouvé en un instant
c’est le destin du dolly d’il était une fois en amérique
quand noodle est dans la cabine téléphonique et qu’il parle avec moe
c’est l’arrivée de la grande vague attendue dans le big wednesday
c’est l’attente à la cuisine en buvant éventuellement quelques bières avant une fête
qui est plus belle que la fête même, comme disait une amie de malmö
c’est la nostalgie de l’impossible comme disait un philosophe français
c’est esterina qui plonge enfin pendant vingt ans encore

c’est un polaroïd qui devient panorama

3.

c’est mourir de champagne comme ce personnage dans le jardin de tchechov
c’est la lueur du frigobar d’une chambre d’un grandhotel en espagne
bâtie un soir avec vingt-sept vers, assemblés en douze ans environ
c’est déchiffrer un petit mot reçu à prague en quatre-vingt-quatorze
c’est disparaître du monde dans la période de floraison des cerisiers entrevus d’un train
c’est empédocle qui a été vu marcher sur la lune
c’est une gorgée de dompérignon la nuit comme navire de croisière
c’est la loi de fibonacci appliquée au poème comme genre de fugue littéraire
c’est l’addition des sourires des serveuses qui explique la fonction de ackermann
c’est un vers exact de montale jailli dans les pires bars de genève
c’est aussi le sens d’une volée hyperfacile ratée par mcenroe à paris,
en quatrevingtquatre, en finale avec lendl
c’est se rappeler éternellement de la grâce incivile du téton gauche
suggéré par la transpiration du maillot sergiotacchini de gabriela sabatini
c’est l’empreinte laissée par dylan thomas sur le coussin d’hôpital à new york
cette foutue nuit de novembre devenue au minimum chapitre en plus
de la voie lactée, au niveau de la main coupée de cendrars déjà étoile d’Orlon
c’est les nichons scintillants de la grande ourse
c’est l’angle désaxé des galaxies responsables de nos rêves réels
c’est la tangente refoulée de ma main sur ta joue
c’est les flamands roses entraperçus à peine mais pour toujours cette nuit
en plein centre à milan, à travers les interstices de ce jardin secret

c’est la grande veronica, une veronica à outrance, la veronica infinie

c’est pour oscar bonavena qui s’est battu comme un lion pendant quinze rounds
contre un grand mohammed ali délicatement impitoyable comme jamais
en décembre soixantedix, sur le ring du madison square garden de new york
et mort dans une rixe, en mai soixanteseize, à la sortie d’un bordel dans le nevada

4.

c’est pour la serveuse de prague en déchiffrant cette nuit ce petit mot froissé
en s’apercevant enfin que son nom n’était autre que veronika

c’est la grande veronica, une veronica à outrance, la veronica infinie

c’est le point le plus éloigné de la main qui tient le yo-yo dans v. de pynchon
c’est regarder la tour eiffel d’en bas et comprendre qu’elle est complètement clitoridienne
c’est le système limbique de la narine droite de la femme de connors
sur un playboy de milleneufcentsoixanteseize
c’est un endroit où godot peut tranquillement attendre beckett
c’est le royaume des plongeons adolescents de becker sur l’herbe de wimbledon
c’est boum-boum beckett, écrit au crayon, sur un post-it bleu papier à sucre
collé à la bouteille vide de laphroaig dix un matin

c’est pour l’inventeur des post-it

c’est pour qui travaille à la distillerie laphroaig sur l’île d’islam
c’est le geste définitif pour prendre une bouteille de laphroaig dix
de l’étagère d’un petit supermarché en viale pasubio
comme ce bond assuré de ma vieille amie renata molinari
c’est mario schifano qui dit qu’une œuvre d’art doit être longuement imaginée
et rapidement exécutée
c’est le point de vue des flamands roses en regardant d’une fissure à l’autre
dans le cœur de cette maudite milan d’hiver jusqu’au bout de la nuit
moi et federico ivres morts, en stupeur éternelle, à chercher le rose infini

c’est une nature morte en mouvement

c’est l’impressionisme abstrait prolongé d’une œuvre pour bien définir
les traits du visage d’une femme triste dans un hall d’hôtel à chypre, capri
alexandrie, essaouira, saratoga spring, las vegas, la valletta, ferrara
c’est le smultronstället intérieur après la dérive
c’est la grande veronica comme un personnage du magicien d’oz ou de quelque
autre livre qui reste à écrire en courant après l’éternel féminin qui se retourne
seulement à travers une volée haute de revers à mettre éternellement en scène
c’est le tournant d’un nom

c’est un cumulonimbus au coucher de soleil qui ressemble à falcor de l’histoire sans fin
c’est pour que les choses ne finissent pas, du moins pour ce soir

c’est parce que je dois retrouver ton visage au moment même du premier sourire
c’est pour que le sang de boxeurs inconnus soit rose ingrid bergman ou autre ailleurs
c’est pour sharon lipschutz
c’est pour nabokov qui regarde le lac de sa chambre au palace de montreux
c’est pour les viticulteurs de ce givrey chambertin à boire en stansmith le soir

c’est pour la molécule en plus de stupeur au finish d’une pornoétoile tchèque
face à la lumière de caravaggio dans sanluigi dei francesi à rome
c’est rimbaud qui arrête
c’est toujours la sortie de scène de violetta au quatrième acte

1.

Quando non te ne importa più un bel niente
di niente ecco che puoi almeno girarti in veronica
colpire così all'avventura come se non dovesse finire mai

e allora che sia un movimento nel nome di quella donna a oltranza

dall'inizio di quella traiettoria coraggiosa di velo un venerdì,
pronta all'improvviso per sempre al sangue della passione,
alla veronica riuscita per miracolo oggi al tennis a castagnola

un colpo tennistico ai margini in forma di poema ali night long
o pianosequenza da matti al ralenti attraverso tutto questo tempo
da quel velo diventato volto, poi luminoso volo estremo di tennis,
passando per il passo perfetto dei toreri morti in precedenza un po'
per non avere mai più paura in faccia alla gloria o alla gloriosa fine

un gesto infinito a go go

2.

perché spalle al muro l'unica è voltarsi per sempre in veronica
morire al volo tutto in una volta per sorridere nel sole una vita
è un ali in dell'anima, tutto in una notte, per non più mai morire

è staccare le orecchie di cioccolato ai conigli di pasqua
è il minuto e trenta circa di classico silenzio che c'è di solito
dopo il finale della nona di mahler prima degli applausi
è quando inattesa scoppia la breve stagione dell'estate indiana
è il momento del manto di sanmartino condiviso con una spada
è l'atomo in meno dei giorni in cui non vuoi mai tornare a casa
è il volo d'angelo di kurt cobain sul pubblico
è hemingway che scrive in piedi all'havana

è la struttura molecolare di un whiterussian davanti al camino

è il disegno di un'ora di tragitti dei gabbiani sulle scogliere di étretat
è il dodecaedro improbabile dei nostri itinerari in tutti questi anni
inciso dentro un paio di grandi città tipo parigi roma milano eccetera
è la costellazione accurata di ogni segnale di sorriso di tutte le passanti
incontrate dal 1993 circa all'inizio di questo autunno
è tutto il tempo del mondo ritrovato in un attimo
è il destino del dolly di c'era una volta in america quando noodle
è dentro la cabina telefonica e parla con moe
è l'arrivo della grande onda anomala attesa nel mercoledì da leoni
è l'attesa in cucina bevendo magari un paio di birre prima di una festa
che è più bella della festa stessa, come diceva una mia amica di malmó
è la nostalgia dell'impossibile come diceva un filosofo francese
è esterina che finalmente si tuffa per ventanni ancora

è una polaroid che diventa panorama

3.

è morire di champagne come quel personaggio nel giardino di cechov
è lo spiraglio di luce del frigobar di una stanza di un grandhotel in aria
costruita una sera con ventisette versi, messi assieme in dodici anni circa
è decifrare un bigliettino ricevuto a praga nel novantaquattro
è sparire dal mondo nel periodo di fioritura dei ciliegi visti da un treno
è empedocle che è stato visto camminare sulla luna
è un sorso di dompérignon la notte come nave da crociera
è la legge di fibonacci applicata al poema come genere di fuga letteraria
è la somma dei sorrisi delle cameriere che spiega la funzione di ackermann
è un verso esatto di montale venuto su nei peggiori bar di ginevra
è anche il senso della volée facilissima sbagliata da mcenroe a parigi,
nell'ottantaquattro, in finale contro lendl
è ricordarsi in eterno della grazia incivile del capezzolo sinistro
suggerito dal sudore della maglietta sergiotacchini di gabriela sabatini
è il solco lasciato da dylan thomas sul cuscino d'ospedale a new york
quella fottuta notte di novembre divenuto come minimo capitolo in più
della via lattea, al pari della mano mozza di cendrars già stella d'Orione
sono le tette scintillanti dell'orsa maggiore
è l'angolatura sballata delle galassie responsabili dei nostri sogni reali
è la tangente rimossa della mia mano sulla tua guancia
sono i fenicotteri rosa intravisti a malapena ma persempre quella notte
in pieno centro a milano, attraverso le fessure di quel giardino segreto

è la grande veronica, una veronica a oltranza, la veronica infinita

è per oscar bonavena che si è battuto come un leone per quindici riprese
contro un grande muhammad ali delicatamente spietato come non mai
nel dicembre del settanta, sul ring del madison square garden di new york
e morto per rissa, nel maggio settantasei, fuori da un bordello nel nevada

4.

è per la cameriera di praga decifrando stanotte quel biglietto sgualcito
rendendosi finalmente conto che il suo nome, non era altro, che veronika

è la grande veronica, una veronica a oltranza, la veronica infinita

è il punto più lontano dalla mano che tiene lo yo-yo in v. di pynchon
è guardare la tour eiffel da sotto e capire che è completamente clitoride
è il sistema limbico della narice destra della moglie di connors
su un playboy del millenovecentosettantasei
è un posto dove godot può aspettare tranquillamente beckett
è il regno dei tuffi adolescenziali di becker sull'erba di wimbledon
è boum boum beckett, scritto in matita, su un post-it carta da zucchero
appiccicato alla bottiglia vuota di laphroaig dieci un mattino

è per l'inventore dei post-it

è per chi lavora alla distilleria laphroaig sull'isola di islay
è il gesto definitivo per prendere una bottiglia di laphroaig dieci
dallo scaffale di un piccolo supermercato in viale pasubio
come quel balzo certo della mia vecchia amica renata molinari
è mario schifano che dice che un'opera d'arte va pensata a lungo
ed eseguita in fretta
è il punto di vista di quei fenicotteri vedendo tra una fessura e l'altra
nel cuore di quella maledetta milano d'inverno al termine della notte
io e federico sbronzi marci, in eterno stupore, a cercare il rosa infinito

è una natura morta in movimento

è l'impressionismo astratto prolungato di un'opera per definire bene
i tratti del volto di una donna triste in una hall d'albergo a cipro, capri
alessandria, essaouira, saratoga spring, las vegas, la valletta, ferrara
è il posto delle fragole interiore dopo la deriva
è la grande veronica come un personaggio del mago di oz o di qualche
altro libro ancora da scrivere rincorrendo l'eterno femminino che si volta
solo attraverso una volée alta di rovescio da mettere eternamente in scena
è la svolta di un nome

è un cumulonembo al tramonto che sembra falcor della storia infinita
è perché le cose non finiscano, almeno per stanotte

è perché devo ritrovare il tuo volto nel momento stesso del primo sorriso
è perché il sangue di pugili ignoti sia rosa ingrid bergman o altro altrove
è per sharon lipschutz
è per nabokov che guarda il lago dalla sua stanza al palace di montreux
è per i viticoltori di quel givrey chambertin da bere in stansmith la sera

è per la molecola in più di stupore in volata di una pornostella ceca
di fronte alla luce di caravaggio dentro sanluigi dei francesi a roma
è rimbaud che smette
è sempre l'uscita di scena di violetta al quarto atto

Extraits de La grande veronica, Faenza, Edizioni, Mobydick, 2012,
raduit de l'italien par Nicola de Marchi.

Publiée dans Le Courrier le 28.10.2012.

Oliver Scharpf

Oliver Scharpf est né à Lugano en 1977. Lauréat du prix Montale en 1997 pour des poésies inédites, il publie en deux tranches, dès 2004, une série de poèmes brefs inspirés des haïkus japonais. En 2010, il prête son écriture à une relecture de vingt-huit mythes suisses. Actuellement il tient une rubrique intitulée «A due passi» dans l’hebdomadaire L’Azione. En découvrir davantage

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