« Cinq poèmes » – Ugo Petrini

Cinq poèmes

La maigreur fil de soie
d’un homme en habit sombre
qui en élongation
sous un parapluie cassé
et s’agrippant à sa poignée
s’abrite du déluge estival
louche à travers un accroc
de la voûte noire
tandis que ricoche la pluie
sur les chapeaux d’autrui
il aperçoit le trait brillant
et la réaction des gens
soumis au même désagrément
et soudain il voudrait
pouvoir crever le ciel
avec l’embout pointu.
                     ***
Le coq écorche et perce
par trois fois au moins
le silence du petit matin
de stridences qu’on entend jusque
dans la conque blême de la ville
qui croisent l’assourdissante
vespa et vont se perdre
dans le fracas chtonien
du concert autoroutier
d’où s’élève le décor de scène
d’une lune en décroît;
Cambre-toi
montre crête et barbillons:
reste la trahison.
                     ***
La boutonnière fatiguée
râpée par l’usure
tractions, frottements
sur ses points de feston
et poignets élimés;
les boutons manquants
font un piteux
effet et qui oserait à présent
espérer que des joues
poudrées viendraient se pencher
sur ce pécari, émerveillées
ou des mains s’appliquer
encore à ourler
border, tailler ou broder
(et pas seulement parce que manque
le linge de rechange).
                     ***
Volant tantôt en rase-mottes
tantôt vers les hauts cieux
à la façon des oiseaux
dans une alternance
myopie et presbytie
dans la clôture monastique
d’une prière
ou l’ouverture missionnaire
au prochain, tendant
la main ouverte à l’autre:
au rythme de renaître et mourir.
                     ***
Voyez:
sur la planche à bascule
en fragile équilibre
fidèles plus ou moins
aux annales du moi
ou à la vie des autres
les poètes s’amusent
à donner un sens
aux choses, trottinant
vifs comme des hamsters
– plutôt «tuitts» locaux
que modernes twitters –
dans leurs petites roues
cages de la pensée.
                     ***
Là-haut:
le joyau bleu de ciel
les cimes empoudrées
la rouille de l’automne
la rambarde, le grillage, la grille
(bref, les ennuis de la vie!).
Ici-bas:
moelleux Golfino? noirs
l’épaisse fourrure
de la chatte norvégienne
contre l’oisive froidure
luxure de l’hiver.
Et le premier oiseau des neiges.

Cinque poesie

La serica magrezza
di un uomo in abito scuro
che si allunga
sotto un ombrello rotto
e aggrappandosi al manico
si ripara dal diluvio estivo
sbircia da uno squarcio
della volta nera
mentre l’acqua rimbalza
su altri cappelli
ne coglie il lungo brillìo
e la reazione di chi
prova lo stesso disagio
e spera di colpo
di rompere il cielo
con il puntale.
                     ***
Il gallo squarcia, stacca
più di tre volte il silenzio
del primo mattino
con strepiti che raggiungono
la conca livida della città
incrociano l’assordante
vespino e sfumano
nel fragore ctonio
dello spartito autostradale
su cui si eleva uno scenario
di luna calante;
arcua la schiena
mostra bargigli e cresta:
il tradimento resta.
                     ***
Un’asola bolsa
divelta da strappi
trazioni, frizioni
nei suoi punti smerli
e polsi lisi;
bottoni mancanti
ne guastano
l’aspetto e arduo è ormai
sperare che guance
cipriose s’adagino
sul pecari, stupiscano
o che mani s’adoprino
ancora per orli
bordi, tagli o ricami
(e non solo per mancanza
di ricambi).
                     ***
Volando ora rasoterra
ora verso l’alto dei cieli
come fanno gli uccelli
in un alternarsi
di miopia e presbiopia
nella chiusura monacale
di una preghiera
o nel missionario aprirsi
al prossimo, tendendo
la mano aperta all’altro:
nel ritmo di rinascita e morte.
                     ***
Ecco:
su questa altalena
in sottile equilibrio
ora più ora meno
fedele alla cronaca dell’io
o alla vita degli altri
si baloccano i poeti
per dare un senso
alle cose, zampettando
come cavie concitate
– più locali “tüitt” che
moderni twitter –
nelle loro gabbiette
del pensiero.
                     ***
Lassù:
l’ornato celeste
le cime incipriate
la ruggine dell’autunno
la ringhiera, l’inferriata, il cancello
(già gl’incagli della vita!).
Quaggiù:
golfini neri rigonfi
il folto manto
della gatta norvegese
contro la fredda oziosa
lussuria dell’inverno.
E il primo uccello della neve.

Traduit de l’italien par Nicole Taubes.
Vous trouverez aussi ces poèmes en version bilingue dans la revue «Viceversa littérature 7» (Éditions d’en bas, Lausanne).

Publiée dans Le Courrier le 6.5.2013.

Ugo Petrini

Ugo Petrini, né en 1950 à Montagnola au Tessin, a étudié la littérature italienne à l’Université de Fribourg. Ses débuts de poète ont été marqués par la publication d’Ellissi en 1987, suivie d’un nombre conséquent de recueils et de plaquettes, parmi lesquels Bertesche et Tra il visibile e il dicibile. Ugo Petrini vit et travaille comme enseignant d’italien au Tessin. En découvrir davantage

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